Irresponsabilité pénale et consommation de stupéfiants

Irresponsabilité pénale et consommation de stupéfiants

Publié le : 28/05/2021 28 mai mai 05 2021

L’action de consommer des stupéfiants débute normalement par un acte conscient de commettre une infraction, mais les effets de ces derniers sur sa capacité de discernement et de réflexion peuvent-être tels, qu’il l’emmène à commettre un crime ou un délit. 
L’auteur peut-il pour autant bénéficier des dispositions spéciales en matière d’irresponsabilité pénale ? 

Notre étude met volontairement en opposition ces deux notions, compte tenu de l’actualité juridique et la décision rendue par la Cour de cassation le 14 avril dernier dans l’affaire dite « Halimi ». 
 

Les sanctions liées à la consommation de stupéfiants en droit positif

L’arrêté du 22 février 1190 fixe la liste des substances classées comme stupéfiants, parmi lesquelles figurent, à titre d’exemple, le cannabis et la résine de cannabis, la cocaïne, l’opium, etc. 

La simple consommation de stupéfiant est réprimée par une peine maximale d’un an d’emprisonnement et de 3 750 euros d’amende (article L 3421-1 du Code de la santé publique), généralement assortie d’une peine complémentaire d’effectuer un stage de sensibilisation aux dangers de l'usage des produits stupéfiants.

Concernant la consommation de stupéfiants et la commission de délit voire de crimes, bien que la notion de circonstances aggravantes n’ait pas de définition légale, certaines sont précisément listées aux articles 132-71 et suivants du Code pénal (bande organisée, préméditation, récidive, viol, etc.). 
La conduite sous l’emprise de stupéfiant ayant entraîné un homicide involontaire en est une (article 226-6-1 du Code pénal). 

En pratique, la consommation de stupéfiants est pourtant régulièrement retenue par les Tribunaux concernant les violences involontaires comme cause aggravante, puisque la loi prévoit que « Le fait de causer, dans les conditions et selon les distinctions prévues à l'article 121-3, par maladresse, imprudence, inattention, négligence ou manquement à une obligation de prudence ou de sécurité imposée par la loi ou le règlement, la mort d'autrui constitue un homicide involontaire puni de trois ans d'emprisonnement et de 45 000 euros d'amende.

En cas de violation manifestement délibérée d'une obligation particulière de prudence ou de sécurité imposée par la loi ou le règlement, les peines encourues sont portées à cinq ans d'emprisonnement et à 75 000 euros d'amende.
» (article 221-6 du Code pénal). 
La consommation de stupéfiants pouvant être considérée comme une violation manifestement délibérée d'une obligation particulière de prudence ou de sécurité imposée par la loi ou le règlement.

L’irresponsabilité pénale peut-elle être appliquée à la consommation de stupéfiant ? 

Le principe de la responsabilité pénale oblige l’auteur d’une infraction à subir la peine prévue par les textes qui punissent l’infraction, cela suppose cependant que l’auteur soit apte à avoir voulu commettre l’acte répréhensible et à le comprendre. 

Ainsi, des causes d’irresponsabilité pénale, ou d’atténuation de peine sont prévues par la loi, notamment par l’article L 122-1 du Code pénal alinéa 1er du Code pénal qui dispose que « N'est pas pénalement responsable la personne qui était atteinte, au moment des faits, d'un trouble psychique ou neuropsychique ayant aboli son discernement ou le contrôle de ses actes ». Il appartient aux juges, sur la base d’expertises médicales, de déterminer le bénéfice ou non d’atténuation ou d’exonération de responsabilité : « Toutefois, la juridiction tient compte de cette circonstance lorsqu'elle détermine la peine et en fixe le régime ». 

En matière de consommation de stupéfiant, l’intoxication peut être telle qu’elle génère des violences, voire les accentue, compte tenu d’un trouble du discernement de l’auteur du fait d’une modification des perceptions et l’impact sur le système nerveux dû à la prise de substances.

La question, hors situation impliquant des mineurs, relative à admettre la consommation de stupéfiants comme exonération ou atténuation de responsabilité dans le cadre d’un homicide, n’avait pas réellement été étudiée par la Cour de cassation, jusqu’à l’affaire Halimi (Cass. crim 14/04/2021 n°20-80.135). 

Pour rappel des faits, Sarah Halimi a été tuée par un de ses voisins, dont il est ressorti selon plusieurs expertises qu’il était atteint au moment des faits d’une « bouffée délirante », à l’exception d’un expert qui fait état que cette diminution passagère de lucidité à l’origine du crime, provenait d’une consommation régulière volontaire de cannabis. La chambre criminelle rend un arrêt de principe et reconnaît l’existence d’un trouble psychique ou neuropsychique ayant aboli le discernement du mis en cause et le déclare pénalement irresponsable.

Par cette décision la Haute juridiction s’est prononcée en vertu du principe de l’imputabilité de l’infraction à son auteur, tel que dégagée par une jurisprudence antérieure (Cass. crim 13/12/2021 n°55-05.722), selon laquelle « toute infraction, même non intentionnelle, suppose que son auteur ait agi avec intelligence et volonté ». 

Pourtant, ce serait donner une interprétation erronée à la décision de la chambre criminelle que de dire que la consommation de cannabis est une cause d’irresponsabilité pénale, lorsque la Cour elle-même précise que « la circonstance que cette bouffée délirante soit d'origine exotoxique et due à la consommation régulière de cannabis ne fait pas obstacle à ce que soit reconnue l'existence d'un trouble psychique ou neuropsychique », faisant une simple application du droit positif : au moment des faits, l’auteur était atteint d’un trouble psychique, hors l’article 122-1 ne distingue pas l’origine du trouble, mais seulement la présence du trouble au moment des faits. 

Application stricte de la loi qui ne fait pas l’unanimité, jusque dans la sphère étatique. Une question écrite a été formulée à l’attention du garde des Sceaux visant à réviser le Code pénal pour prévoir une exclusion de l'irresponsabilité pénale lorsque l'abolition du discernement aurait pour origine une consommation volontaire de stupéfiants. 
Ambivalence française lorsque l’on sait qu’une proposition de loi autorisant l'usage contrôlé du cannabis a été rejetée par le Sénat, mais dont le débat sur la légalisation demeure d’actualité. 


ELCY Réseau d'Avocats 

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