Responsabilité pénale des personnes morales : jusqu'où s'étend la faute de l'entreprise ?
Publié le :
12/12/2025
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Selon l’article 121-1 du Code pénal, nul n’est responsable pénalement que de son propre fait. Cependant, qu’en est-il de l’infraction commise par une personne morale ?
Depuis la réforme du droit pénal de 1994, la responsabilité pénale des personnes morales constitue un instrument majeur de la politique répressive. Longtemps cantonnée au principe de spécialité selon lequel une personne morale ne pouvait être condamnée que dans les cas prévus par la loi, cette responsabilité a été élargie par la loi du 9 mars 2004 dite « Loi Perben II ».
Désormais, toutes les infractions peuvent, en principe, engager la responsabilité pénale d’une personne morale, sauf exclusion expresse par le législateur.
Quel est le champ d’application de la responsabilité pénale des personnes morales ?
Selon l’article 121-2 du Code pénal, toutes les personnes morales de droit privé ou public peuvent être pénalement responsables.
Sont concernés les sociétés commerciales, les associations, les syndicats, les groupements d’intérêt économique, mais également les collectivités territoriales et les établissements publics, sous réserve qu’aucune disposition contraire ne s’y oppose.
Une exception demeure : l’État est la seule personne morale exclue du champ de la responsabilité pénale, même si elle peut faire l’objet de poursuites au titre de dommages-intérêts.
Les sociétés dotées de la personnalité morale peuvent donc être poursuivies pour des faits antérieurs à sa dissolution, mais également pour des faits commis pendant la période de liquidation.
Si la dissolution intervient dans le cadre d’une opération de fusion-absorption, la société n’a plus d’existence juridique ni de personnalité morale : elle ne peut plus faire l’objet de poursuites pénales. La société absorbante, quant à elle, pourra être condamnée pénalement pour les actes commis par la société absorbée avant les opérations de fusion (cass. crim du 25 novembre 2020, n°18-86.955).
Quelles sont les conditions d’application de la responsabilité pénale ?
Trois conditions doivent être réunies pour engager la responsabilité pénale des personnes morales :
- Le groupement dispose de la personnalité morale :
L’article 121-2 du Code pénal vise expressément les personnes morales. Les sociétés créées de fait ou en participation en sont exclues.
S’agissant des personnes morales en cours de formation, les actes accomplis engagent uniquement la responsabilité pénale des associés personnes physiques.
- Les faits sont commis par un organe ou un représentant de la personne morale :
L’infraction doit avoir été commise par :
- Un organe : personne désignée par la loi ou par les statuts, pour agir au nom de la personne morale.
- Un représentant de la personne morale : personne habilitée à agir au nom et pour le compte de la personne morale, en particulier à l’égard des tiers.
Pour que la personne morale soit pénalement poursuivie, l’organe ou le représentant ayant commis les faits doit avoir été clairement identifié. À défaut, sa responsabilité ne sera pas poursuivie.
- L’infraction est réalisée pour le compte de la personne morale :
L’infraction doit avoir été commise dans l’intérêt exclusif de la personne morale. En pratique, sa responsabilité est le plus souvent engagée pour :
- Les infractions économiques : pratique commerciale trompeuse, corruption, etc. ;
- Les infractions comptables : comptes ou bilans inexacts, etc. ;
- Les infractions financières : blanchiment d’argent, infractions boursières ;
- Les infractions au droit du travail : discrimination, travail illégal, etc.
Quid de la faute non intentionnelle ? Selon l’article 121-3 du Code pénal, il y a délit en cas de faute d’imprudence, de négligence ou de manquement à une obligation de prudence ou de sécurité prévue par la loi ou le règlement, lorsque l’auteur des faits n’a pas accompli les diligences normales compte tenu de la nature de ses missions, de ses compétences, du pouvoir et des moyens dont il disposait.
Cette distinction entre faute intentionnelle et non intentionnelle s’applique pour les personnes physiques, mais pas pour les personnes morales, qui demeurent pénalement responsables, y compris en cas de faute non intentionnelle.
Quelles sont les sanctions encourues ?
Les sanctions encourues sont prévues par l’article 131-37 du Code pénal : amende, dissolution de la personne morale, interdiction d’exercer directement ou indirectement une activité professionnelle, placement sous surveillance judiciaire, etc.
Selon l’article 131-41 du Code pénal, le taux maximum de l’amende est égal au quintuple de celle prévue pour les personnes physiques pour une même infraction.
La responsabilité pénale de la personne morale se cumule avec celle de l’organe ou du représentant ayant commis l’infraction, mais ce cumul n’est pas systématique (article 121-3 du Code pénal). Ainsi, la personne morale peut être condamnée, tandis que l’organe ou le représentant est relaxé.
Si l’infraction est intentionnelle, les poursuites se cumulent. En revanche, seule la responsabilité pénale de la personne morale peut être poursuivie en présence d’une infraction non intentionnelle.
Me Sophie FERRY
Historique
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